L'ordinateur portable O-RY

L'ancêtre suisse de la tablette tactile

Projet de diplôme en «Product Designer» (ECBA) – 1975
Par Jean-Pierre Rossy, pour le Musée Bolo

Design & technologie


O-RY est un ordinateur portable avant-gardiste qui, bien que prometteur, est resté au stade de projet de diplôme

Jean-Pierre Rossy - O-RY

Le contexte

Fin 1974, étudiant à l’École cantonale des beaux-arts et d’art appliqué (ECBA), à Lausanne, en quête d’un sujet de diplôme, je me suis adressé à Jean-Daniel Nicoud, professeur responsable du Centre des Calculatrices Digitales (LCD), de la Chaire de systèmes logiques de l’EPFL. Après m’avoir présenté le micro-ordinateur SMAKY et les technologies en cours de développement, il m’a proposé d’imaginer un mini-ordinateur qui pourrait être transporté dans un porte-documents ou un attaché-case.

L’objectif fixé était de développer cet ordinateur comme un produit “possible” dans un horizon de deux à cinq ans. Le projet s’appuierait sur des techniques et des composants alors en cours de développement, mais probablement commercialisés dans ce délai. Ce mini-ordinateur serait un produit aux possibilités et applications presque illimitées, allant du rôle de terminal à celui de jouet pour enfants, en passant par le traitement de texte, la gestion, la collecte de données, l’enseignement, etc.

Un écran plat constituait un élément clé de la faisabilité de la miniaturisation envisagée. Jean-Daniel Nicoud m’avait présenté un prototype monochrome d’un système d’affichage aussi bien de caractères de tailles variables que de graphiques. On pouvait même envisager une interaction directe de l’utilisateur sur l’écran pour dessiner ou sélectionner. Cela permettrait également, en affichant les touches, de résoudre le problème du clavier traditionnel, dont la miniaturisation paraissait à l’époque peu praticable.

L’appareil posséderait une mémoire intégrée pour son fonctionnement de base ainsi que des applications simples prédéterminées. Comme mémoire auxiliaire, le disque souple – floppy disk de 8 pouces (lecteur de disquettes) – serait préféré à la bande magnétique (cassette) pour sa rapidité d’utilisation. La taille des composants électroniques étant appelée à diminuer considérablement, un volume approximatif du mini-ordinateur a été défini.

Le projet

Avant même d’imaginer un objet de la taille souhaitée, il était indispensable de résoudre le problème du lecteur de floppy disk, dont les modèles encombrants existant étaient incompatibles avec l’objectif du projet.

Une tâche conséquente a donc été de développer un système miniaturisé de positionnement et d’entraînement du disque. La solution retenue a permis de combiner ces deux fonctions dans un encombrement considérablement réduit et avec un seul moteur.

Ce problème théoriquement résolu, les principes de fonctionnement de ce mini-ordinateur ont été établis:

  • l’écran plat est de format A4 idéal pour le traitement de texte, en particulier lors de l’utilisation d’un clavier traditionnel;
  • l’appareil peut être utilisé en position verticale aussi bien qu’horizontale;
  • trois touches permettent de positionner le clavier affiché, soit au bas de l’écran en utilisation verticale, soit à droite ou à gauche en utilisation horizontale ;
  • pour l’utilisation du clavier affiché à l’écran, le doigt n’est pas retenu – en raison de son imprécision avec les techniques existantes – au profit d’un stylet muni d’une cellule photoélectrique et d’un micro-émetteur;
  • ce stylet est logé dans l’appareil et éjecté au moyen de la touche appropriée;
  • pour le transport, l’écran est protégé par un “store” lequel, par sécurité, ne peut pas être fermé si le stylet n’est pas dans son logement;
  • des ports sont prévues pour le raccordement d’un clavier conventionnel, d’une mémoire externe et d’un autre ordinateur.

Illustrations: © Jean-Pierre Rossy | Photos: © Musée Bolo

Ces options établies, il ne restait plus qu’à donner une forme à ce mini-ordinateur portable, sa taille étant définie par les divers composants qu’il devait intégrer. Plusieurs variantes ont été étudiées, prenant en compte l’ergonomie – prise en main, utilisation intuitive, insertion/extraction du floppy disk et du stylet – ainsi que les procédés de fabrication et d’assemblage, en particulier pour les pièces en matière plastique.

La réalisation d’un prototype de l’O-RY n’était pas envisageable. En juin 1975, j’ai donc présenté une maquette à taille réelle (tablette A4), ainsi que des dessins et des esquisses – de même que deux autres projets de nature différente – en vue de l’obtention du diplôme de “Product Designer”. Le projet n’a pas connu de suite industrielle.

Jean-Pierre Rossy

Illustrations: © Jean-Pierre Rossy | Photos: © Musée Bolo

O-RY, un ordinateur portable de la taille de l’écran avec clavier virtuel imaginé plus de dix ans avant le premier terminal sans clavier et premier ordinateur portable à écran tactile avec un stylet, la Linus Write-Top et près de 20 ans avant l’Apple Newton (source: Wikiwand).

Le Musée Bolo remercie chaleureusement Monsieur Rossy pour le don de la maquette, des dessins et des esquisses de ce projet avant-gardiste.

Photo Apple Newton: © Felix Winkelnkemper (Wikipedia)